| Le Theâtre
Procurer des distractions saines aux troupes de la garnison trop souvent sollicitées par les innombrables tripots et maisons mal famées de la ville, était un des soucis des gouverneurs militaires de Brest. Le Théâtre leur sembla le meilleur moyen de parvenir à ce but. Une salle provisoire en bois fut dressée dans le potager de l’hôtel des gardes de la Marine, future préfecture maritime. Détruite par un incendie en 1765, le commandant de la place, de Roquefeuil, fit édifier sur son emplacement une salle définitive, dont le financement fut assuré par un prélèvement sur la solde des officiers. Bien qu’il eut avoué manquer de compétence en matière de théâtre, l’ingénieur Choquet de Lindu, se chargea d’établir les plans ; plans modifiés ensuite par Nicolin, maître de dessin des gardes de la marine et par Dumont, auteur d’ouvrages sur les salles de spectacles. La construction fut confiée à l’entrepreneur Malmanche et le 7 décembre 1766 le rideau se levait sur la première représentation. La marine s’attribua la propriété de l’immeuble, mais en fut dépossédée en l’an IV. Le théâtre, considéré comme bien national, échut à une société privée composée de négociants brestois. Le 16 janvier 1817 une ordonnance royale autorisa la ville à s’en rendre acquéreur pour une somme de 100 000 francs. Entièrement restauré en 1859, un incendie détruisit le théâtre le 11 mars 1866. On aménagea alors une salle provisoire dans la nef de la halle aux blés, notre future salle des fêtes. Reconstruit sur les plans de l’architecte Charpentier, le théâtre poursuivit sa carrière jusqu’à l’incendie de 3 mai 1919. Considérant que les murs ne présentaient plus une solidité suffisante la ville décida en 1923 d’aliéner le terrain et les ruines. Elle fit élever sur un terrain appartenant au Génie militaire, place de la Liberté, une salle provisoire en bois, inaugurée le 28 avril 1921 et détruite lors du siège de 1944. Sur l’emplacement de l’ancienne salle, en bordure de la rue d’Aiguillon, une société immobilière fit construire, de 1928 à 1930, un vaste immeuble, un des seuls épargnés par les bombardements. Du grand théâtre de Brest, l’un des plus beaux de province, les deux incendies et la guerre ont laissé la façade de Choquet de Lindu et les anciens locaux de l’administration aménagés en 1928, par le journal l’Ouest-Éclair. Un entrepôt pharmaceutique s’y installa en 1957, mais depuis quelques années, ce dernier vestige du passé brestois ne semble plus attendre que le pic du démolisseur, et c’est bien dommage. | |