Salut Métamorphose. À ce que je vois, tu es un passionné, un curieux, mais néanmoins pragmatique et tu ne te laisse pas emballer (et tromper) facilement. Bravo, quand j'avais ton âge (je viens juste d'avoir 36 ans), je gobais tout ce qui allais dans le sens de mes fantasmes et j'imaginais des cocotiers à Monaco (j'ai fait deux stages au jardin exotique) et je "voyais" des exotiques partout en France.

Bien de méprises au bout du compte. Ces 10 dernières années, j'ai travaillé et/ou vécu dans les lieux suivants : Région d'Almuñecar, Nouvelle-Zélande (nord et extrême nord, à climat semi-tropical), Açores, Nouvelle Calédonie et Canaries. En outre, si on additionne les années où j'étais employé et celles où j'étais administrateur, j'ai gravité autour du Domaine du Rayol (dans le Var, pas loin de St-Trop) pendant 6 ans. Bref, ta question m'interpelle, car les manguiers, je connais bien. En NC, j'ai bossé dans une exploitation où il s'agissait d'une des principales cultures, et j'en ai des gros (variétés "lippens", "gomera I", "osteen", "keitt" et "sensation") dans mon jardin canarien (zone 11b/12a). J'ai en outre une quarantaine d'avocatiers de toutes tailles (très gros, moyens, etc).

D'après ce que j'ai vu grâce au street view de Google maps, ça ressemble vraiment à un avocatier. Peut-être pas à ceux que tu avais déjà vu, mais il faut savoir qu'il y a une extraordinaire variabilité morphologique chez ces arbres. De surcroît, certains ont des exigences strictement tropicales (il en bave même à Almuñecar, je ne leur donne donc aucune chance nulle part en France, pas même en Corse), alors que d'autres sont très rustiques et devraient pouvoir donner des fruits jusque sur la côte varoise, voire Marseille ou Narbonne (qui sont encore plus froides).

L'avocatier de cette place pourrait être issu d'un noyau et tendre vers une forme certes assez originale, mais pas tant que ça.

Alors que j'en ai vu des milliers ces dernières années, il m'arrive encore de m'arrêter devant certains avocatiers très "distincts" en me disant "Qu'est-ce que c'est que cet arbre", puis d'en conclure après observation de plus près qu'il s'agit juste d'un avocatier (très différents des courants, certes, mais d' avocatier tout de même, à 100%).

Donc, ne pas se laisser induire en erreur et bien aller au fond des choses.

Tes remarques sont très justes. Néanmoins, je vais te reprendre sur un point : Tu t'interroge sur « Si c'est un avocatier , pourquoi ne porte-il pas de fruits? les étés sont très chauds a Saint Tropez , bien plus qu'à Menton ou les avocatiers fructifient abondamment d'ailleurs! ». Je ne suis pas d'accord. D'abord, tout dépend de la variété. Deuxièmement, s'il est seul, il aura du mal à se polliniser (non pas qu'il y ait des mâles ou des femelles, ou qu'il faille une pollinistation croisée entre différents cultivars. C'est une histoire un peu complexes de types (A et B), et d'heures de floraisons (matin / après midi) qui ont en outre lieu en alternance. Enfin, été plus chaud ne signifie pas bilan calorique annuel supérieur. Si seules les températures maximales diurnes sont supérieures à St-trop, ce n'est pas assez. Les températures nocturnes comptent tout autant (et là, elles ne sont pas inférieures à Menton, pas même en été). Enfin, tout le reste de l'année, il fait tellement plus frais à S-T qu'à Menton, que c'est largement suffisant pour expliquer pourquoi ils donnent sur la Riviera monégasque et pas sur la côte varoise. Avec, à St-trop, des températures moyennes au lever du jour oscillant entre 2° et 7° sous abris et des températures maximales entre 6° et 13° cet hiver... (et on est loin des coups de froids de 1954, 1956, 1971, 1985, 1986, on a la mémoire courte, ça n'a rien de si rigoureux en définitive), avec ce genre de températures, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il ne donne rien. A titre de comparaison, cet hiver, les températures ont oscillé entre 8° et 12° au lever du jour et entre 13° et 19° l'après à Almuñecar). Je ne parle pas des 17° à 20° au lever du jour et des 20° à 25° l'après-midi aux Canaries. Nous parlons de deux mondes différents. Donc l'absence de fruit me paraît tout à fait normale (encore une fois, surtout s'il est seul).

Malgré les excès d'optimisme de certains, je suis dubitatif quand aux chances d'un manguier dans le Var. Le plus septentrional (et qui donne et qui a déjà quelques années) que je connaisse est celui de Jacques Deleuze dans l'extrême sud de la Corse. C'est déjà un bel exploit. À Menton? Peut-être s'ils ont été plantés après 85 à Garavan, car il s'agit d'un micro-climat exceptionnel. Mais leurs chances de survivre au dessus du point de greffe après un hiver réellement vigoureux sont presque nulles. Et des mangues fibreuses et acides de porte greffe, beurk, non merci.
J'espère ne pas t'avoir sapé le moral.
Je souhaite simplement t'éclairer car tu m'as intéressé par ta démarche et tes remarques perspicaces.
Bien à toi,
Sébastien